Pourquoi Twitter et pas Facebook?

Pourquoi Twitter et pas Facebook ?
Depuis le début de mon expérimentation l’année passée, c’est une question récurrente qu’elle vienne de mes élèves, de la communauté éducative ou des journalistes.

Pourquoi initier des élèves à un réseau social du net qu’ils n’utilisent ni ne connaissent même pas?

Ce serait en effet plus simple de se fondre dans Facebook qu’ils maîtrisent et dont ils usent: aucune initiation nécessaire, adoption immédiate de l’élève. La communication serait immédiate et efficace.
Et pourtant je n’ai pas souhaité utiliser Facebook.

Avant de me tourner vers Twitter, j‘ai essayé l’usage hors temps de classe de Facebook avec les élèves de @laderniereannee. J’ai effectivement constaté que la communication est immédiate, partagée et que la motivation des élèves est totale.

L’expérience a duré la période transitoire entre leur année de première et leur année de terminale. J’utilisais alors peu Facebook. Que je sois « amie » avec mes élèves m’a demandé une réflexion sur ce que je voulais mettre comme informations et photos sur mon mur. Moi oui, eux non. A la rentrée, ils ont évoqué de façon informelle une soirée qu’ils venaient de vivre me parlant de leurs tenues. Et j’ai répondu « oui je sais, j’ai vu vos photos sur Facebook ». Ils ont alors réalisé (blêmes!) que j’avais regardé TOUTES leurs photos. Ce soir là, j’ai perdu 28 « amis » sur Facebook …mais notre réseau Twitter a vraiment démarré !

Alors pourquoi Twitter et pas Facebook?

  • Les élèves en très grande majorité ont un compte Facebook. C’est leur part de vie privée. Mon statut d’enseignante ne me donne pas accès à cette sphère, elle ne me concerne pas. Y pénétrer c’est faire perdre en partie à l’adolescent son statut d’élève et l’adulte une partie de son statut enseignant. Si l’enseignant a accès à la sphère privée de l’élève, celui-ci peut revendiquer de la même façon un accès à la sphère privée de l’enseignant !

    L’usage cohérent, selon moi, si l’enseignant veut utiliser ce réseau social avec ses élèves pour une application strictement pédagogique, c’est de créer des comptes strictement «professionnels » enseignant et élèves. L’adhésion des élèves sera peut-être dans ce cas plus difficile car ils s’identifient fortement à leur compte Facebook privé

  • Utiliser Twitter permet ainsi d’entrer sur le terrain encore vierge d’un réseau social. Cette initiation pose les règles sans interférences. Les élèves utilisent beaucoup le net et Facebook mais sans jamais y avoir été éduqués. Leur usage de Facebook peut être perverti de ces non-règles qui sont devenus des vrais codes de conduite et de communication: les profils ne sont pas protégés, leurs données personnelles sont accessibles à tous, ils postent des photos d’autres personnes sans autorisation préalable etc.

    Les initier à un réseau social inconnu, c’est aussi les éduquer à un usage citoyen d’un réseau social: mettre en place des règles, à construire avec eux une réflexion sur leur identité numérique. Au fur et à mesure de cette éducation civique du net, j’ai vu leurs profils facebook se modifier, les élèves apprendre à mieux se protéger ou au moins à réfléchir aux informations qu’ils diffusent. Eduquer les élèves à Twitter c’est apprendre aux élèves à réfélchir à leurs usages de Facebook.

  • Le terme « amis » sur Facebook ne me semble pas adapté à un usage pédagogique. Je ne suis pas l’amie de mes élèves. Le terme abonnés/abonnements sur Twitter me convient.
  • Facebook m’apparaît comme un réseau « fermé »: on devient « amis » avec des personnes que l’on connaît a priori. L’abonnement sur Twitter me paraît plus ouvert: ce n’est pas la personne qui est ciblée mais bien ce qu’elle publie sur son mur (exceptions faites à toutes les personnes célèbres: stars, hommes politiques, sportifs). C’est ainsi que le compte classe @laderniereannee a 300 abonnés: non pas pour l’enseignante que je suis mais bien pour ce que je tweete à mes élèves.
  • Je ne stigmatise pas auprès de mes élèves le « gentil twitter contre le méchant Facebook ». Je leur explique que j’utilise les deux mais que mon Facebook parce qu’en partie privée est totalement protégé. Je valorise leurs usages de facebook mais leur indique que Twitter sera un réseau d’utilisation strictement pédagogique pour le groupe-classe et la communauté éducative. Les règles dictées par la charte d’utilisation précisent bien: ce n’est pas un tchat, ni un théâtre de discussions à caractère privé. Les communications sont moins formelles qu’en classe mais gardent toujours une vocation pédagogique, communautaire (je m’adresse de fait à tous mes abonnés) et avec des codes stricts (pas de langage sms).

    Par cet article, je ne tends pas à juger négativement les usages pédagogiques que des enseignants peuvent faire avec l’outil Facebook. Et je suis preneuse de toute expérience qui pourrait contre-carrer ce qui n’est que mon avis et pas une vérité établie !

12 réflexions sur “Pourquoi Twitter et pas Facebook?

  1. Arnaud dit :

    J’ajouterais que pour avoir tenté d’utiliser Facebook avec mes élèves, j’ai constaté qu’en fait ils maîtrisent très peu, et que Twitter est bien plus facile à appréhender.

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  3. Samuel dit :

    Je suis tout à fait sceptique à l’idée qu’un jour, Facebook puisse jouer un rôle dans la relation élève/professeur. Pour moi, et comme une bonne majorité d’utilisateurs, le réseau social ne peut présenter une aspect pédagogique ou professionnel. Il est avant tout un outil de lien privé.

  4. […] 2010 — Jean-Marie Gilliot Laurence Juin publie récemment un article intéressant « Pourquoi Twitter et pas Facebook? » qui a été relayé sur Owni ! L’analyse est cohérente et justifie pleinement son […]

  5. […] les considère-t-on trop dans une sphère privée (voir l’article de Laurence Juin : Pourquoi Twitter et pas Facebook ?), peut-être pense-t-on que ces outils n’ont pas leur place à l’école ? Ou peut-être […]

  6. Beer Bergman dit :

    Merci pour cet article, et je pense que t’as raison pour l’usage que t’en fais. En revanche, je vois clairement une autre utilisation possible de Facebook en milieu scolaire. Ma fille en a fait l’expérience quand elle a passé quelques semaines dans un lycée aux Etats-Unis, et cela m’a reconforté dans les opportunités que Facebook peut apporter pour le prof et pour l’élève.

    Si on considère que Facebook peut être comme le club de sport (et non comme sa « maison »), où l’on cotoie des gens qu’on connaît bien, des gens qu’on connaît moins et encore des gens qu’on ne connaît par leurs visages, le « poids » du statut « ami » est diminué.

    Dans ce contexte, un prof peut aisément mettre un article sur son mur concernant une actualité, qui est lié avec quelque chose qu’il vient de traiter, ou avec quelque chose qui va traiter. Cette information sera plus ou moins vu (ou scanné) par les élèves, qui, dans leur contexte plus détendu qu’à l’école, peuvent le lire et l’intégrer différemment que quand c’est une information donnée dans le cadre d’un cours. Pour ceux qui le souhaitent, car ça reste Facebook en non le cours.

    Donc, utiliser Facebook dans ce sens est plutôt une approche « hyperlocal news », où on s’abonne à un fil d’actualités qu’au fil de la vie d’une personne. Les jeunes ne sont pas dupes. Ils ne sont pas véritablement intéressés par ce qui se passe dans la vie privé d’un prof. Ils ont d’autres choses à faire, d’autres intérêts :-).

  7. […] This post was mentioned on Twitter by Apprendre2.0, Sylvain Decelles. Sylvain Decelles said: RT @Apprendre2pt0: veille Pourquoi Twitter et pas Facebook? « Ma onzième année http://bit.ly/f9f94Y […]

  8. Au Québec, nous ne faisons pas tous cette distinction entre les responsabilités professionnelles et citoyennes. Le débat est lancé, sans encore faire consensus, mais plusieurs reconnaissent qu’il est important de ne pas lever de telles barrières si l’on veut éduquer les jeunes aux nouveaux médias.

    Je préfère également Twitter à Facebook, notamment pour l’absence de publicité, une raison que l’on aurait tort de négliger. Twitter n’est pas à l’abri du spam, mais au moins la pub n’est ni ciblé, ni crachée au visage.

    Enfin, j’ajouterais la question de l’usage des données personnelles, mieux gardées dans Twitter que dans Facebook.

  9. Arthur dit :

    C’est intéressant de voir ce qui a fait basculer l’utilisation d’un médias sociaux : le cercle de la vie privée.
    Mais dans le fond un peu logique 🙂

    J’ai pu remarquer grâce à d’autres articles du blog, que Twitter semblait bien fonctionner.
    Première fois que je passe sur le blog, je reviendrai surement 🙂

  10. jackdub dit :

    Bonjour Laurence,
    Une question annexe, que tu as sans doute déjà traitées dans ton blog :
    L’accès à twitter depuis le lycée n’est sans doute pas limité à ta classe. Comment cela se vit-il dans les autres classes du lycée ? Y a-t-il eu une formation/information de tous ? Y a-t-il une charte générale pour le lycée ? …
    Merci pour ton éclairage et bonne continuation !

    • Je suis la seule enseignante de mon lycée à l’utiliser en classe. La question ne s’est jamais posée de bloquer Twitter puisqu’il n’y a jamais eu excès et d’abus dans les usages (croisons les doigts pour que ça perdure). FB est par contre bloqué. Ca s’explique facilement: Twitter est réservé au pédagogique, les élèves n’y voient pas un outil personnel. J’édite une charte que chaque élève signe, les parents sont avertis. Mon chef d’établissement me soutient dans cette démarche. . Ca reste restreint à ma classe.

      • jackdub dit :

        Merci pour ces éclaircissements. Je ne suis pas sûr d’obtenir le même soutien ‘à priori’ dans mon établissement. Ton expérience me donne un bon argument pour promouvoir l’utilisation de twitter.
        Bonne continuation …

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