Archives Mensuelles: novembre 2010

Qui a peur de l’entrée des réseaux sociaux en classe? Les élèves !

 

De quoi avons nous peur dans la pratique des réseaux sociaux en classe?

Suite à la table ronde à laquelle j’ai participé pour le café pédagogique [ http://www.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fwww.cafepedagogique.net%2Fcommunautes%2FEducatice2010%2FLists%2FBillets%2FPost.aspx%3FID%3D2&h=09582 ]

à #Educatice, j’ai été interviewée par France inter à ce sujet .

Dans ce reportage, ont été aussi interrogés des lycéens sur le même thème : leurs avis sur la question sont unanimes : il ne faut pas faire rentrer les réseaux sociaux à l’école. Ce n’ est pas leur place, ce n’est pas sérieux.

C’est l’avis des lycéens et d’un très large public d’adultes, enseignants ou non.
Une peur populaire sur les réseaux sociaux du net se généralise et globalement sur l’internet, Facebook en tête. A chaque fois que Facebook est abordé dans des réunions pédagogiques et globalement dans les médias, c’est pour évoquer tous les abus, dégâts, dérives engendrés par la pratique d’un tel média. Le sommet a été atteint médiatiquement avec les « apéros facebook » au printemps.

Les adolescents, comme la société, ont assimilé cette idée du média social du net. C’est leur moyen de communication (après le sms) privilégié mais veulent le garder du domaine du privé.

Facebook et de façon plus générale le réseau social du net représente pour eux une terre privée et terre de danger dénuée de tout sérieux : c’est un espace de jeu mais surtout pas de travail. Impression donnée par leurs propres pratiques et par la diabolisation engrangée par les médias.

     Pour présenter « twitter en classe » à mes élèves, je constate deux réactions qui s’opposent:1) l’élève se réjouit qu’on parte de ses pratiques numériques: que le micro-blogging de type facebook puisse entrer dans ses pratiques scolaires, qu’un enseignant ne diabolise pas son moyen de communication favori et généralement Internet.
    2) Mais l’élève est méfiant et a peur : il sait quelles dérives le micro blogging engendre (parfois il pratique ces dérives, parfois il les subit des autres) et ne cesse d’entendre combien Internet et en particulier ces réseaux là sont dangereux. Les médias lui disent, l’institution scolaire lui répète !  Facebook est bloqué dans la plupart des établissements scolaires.

J’ai pu rapidement convaincre mes élèves de l’intérêt de la pratique pédagogique de Twitter. Parce qu’ils n’utilisent pas personnellement ce média. Twitter , je le sais, reste et restera pour ces promotions un média sérieux et scolaire du fait de l’usage que j’en ai imposé. IL y a donc différenciation complète dans leurs esprits et dans leurs pratiques.

J’ai décidé pour les deux années scolaires à venir  d’étendre nos usages en classe en partant de leurs usages personnels. Pour deux raisons:

  • toujours cette volonté de les éduquer à l’internet
  • et parce que je suis partie du postulat suivant :  partir de leurs usages personnels permet une meilleure implication de l’élève. C’est aussi « confortable » pour l’enseignant: partir de leurs usages permet de sauter la période de formation à l’outil (gain de temps estimable!) et surtout permet de valoriser les compétences de l’élève : le savoir ne vient pas que de l’enseignant. L’élève se pose formateur pour les élèves les plus faibles dans ces pratiques (inversion souvent des rôles du « plus fort » et du « plus faible ») Ainsi j’ai décidé en plus de Twitter de leur faire créer des pages facebook sur des évènements que nous organisons au lycée ( expositions mises en place, concours de poésie etc) , un blog sur leurs écrits en français , une boite mail active de classe, des google docs, du travail collaboratif avec Eterphad, des publication de vidéos sur youtube, des CV vidéos pour leurs recherches d’emploi, de stage ou recrutement en écoles post bac.Les réseaux sociaux, youtube, le mail, le blog sont leurs principales pratiques. Nous agrégeons des pratiques comme Eterphad et les CV vidéo. Il en est là de la partie formation qu’incombe à l’enseignant : ne pas laisser l’élève à son niveau personnel de connaissances et de formation mais bien l’élever stricto sensu.Toutes ces pratiques restent sous la thématique de l’éducation à l’internet et de la construction d’une identité numérique positive de l’élève. Dans le cadre d’une séquence sur l’autiobiographie, je leur ai fait écrire des textes à la manière de François Delarozières (chef des « machines » de Nantes). L’objectif final étant de les faire se filmer avec des smartphones à la manière de cette vidéo ( http://www.dailymotion.com/video/x5ul3r_interview-de-francois-delaroziere_creation) . J’avais prévu le stockage de ces vidéos sur Youtube. Ces vidéos doivent servir d’autobiographies et donc de présentations dans le cadre de nos échanges via twitter avec les étudiants indiens de David Cordina à  l’Alliance Française de Bombay [ voir ici le programme de ces échanges [ https://maonziemeannee.wordpress.com/2010/10/20/twitter-en-classe-creer-de-nouveaux-espaces-dapprentissage ]. Chaque vidéo doit identifier l’élève qui a réalisé le mini-film et l’élève filmé.
    Je me heurte pour le moment à une résistance forte de plusieurs élèves pour cette diffusion. Ils argumentent qu’ils ne veulent pas se retrouver « sur internet » , que cette vidéo pourra nuire à leur image etc. J’ai été confrontée à la même opposition lors de la création de leurs comptes twitter : je leur ai demandé de mettre en pseudo leur prénom et leur nom et en avatar une photo d’eux [https://maonziemeannee.wordpress.com/2010/09/06/creer-un-profil-identitaire-valorisant-sur-twitter-et-utiliser-un-serious-game/ ] . Certains ont refusé ces règles.

  Je mène un long travail de persuasion sans savoir si je gagnerai : je suis confrontée à l’élève qui a peur alors que nous sommes dans un processus raisonné et accompagné. Phénomène que je n’ai pas connu l’année passée avec la première classe tweeteuse. Mes élèves cette année sont plus jeunes d’au moins deux ans avec un niveau de réflexion beaucoup moins mature. J’avais des pré-adultes, j’ai cette année de vrais adolescents. Ils sont nés sur internet sur les derniers relents de skyblogs et en pleine médiatisation de Facebook. Médiatisation et diabolisation. Les reportages, les émissions comme Envoyé spécial en février (http://envoye-special.france2.fr/index-fr.php?page=reportage&id_rubrique=1313 ) Canal plus en septembre, des articles de presse comme celui de Télérama ( http://www.sampleo.com/blog/2010/11/08/sur-internet-rien-ne-sefface/) ne pointent que sur les aspects négatifs de l’internet. Rarement les médias « grand publics » pointent sur les aspects positifs, sur les avancées sociales, pédagogiques que l’internet permet (alors que tous les journalistes travaillent aujourd’hui et ne pourraient se dispenser d’un tel outil de travail!).

Nous partons aujourd’hui d’un lourd constat qu’il ne faut surtout pas nier et occulter : personne n’a été formé aux usages de l’internet et en particulier aux réseaux sociaux du net type Facebook. Les dérives, les dégâts sont lourds lorsque mal utilisés. Le procès récent [ http://www.lalsace.fr/fr/article/3171804/Proces-trois-salaries-licencies-pour-avoir-critique-leur-hierarchie-sur-Facebook.html ] montre que les adultes sont largement concernés par ces dérives. Focaliser uniquement sur les adolescents serait une grave erreur. Aujourd’hui les plus mauvais utilisateurs de l’internet sans réflexion, sans recul, sans prise de conscience sont les adultes.

S’il est difficile, voir impossible de former les adultes, c’est totalement possible pour les élèves des petites classes jusqu’aux études supérieures.

J’ai à convaincre des adolescents que tout est possible sur Internet : le pire est à éviter, le meilleur est à construire de façon raisonnée. Si un futur employeur tape le nom d’un de mes élèves sur « google », il trouvera (aussi !) des travaux de français, de logistique, des échanges via twitter à propos des cours, des vidéos de présentation, des pages facebook sur une expo photo à laquelle il aura participé, un concours de poésie qu’il aura gagné. Une identité numérique Positive.

A suivre !

3 autres exemples de #Twittclasses

Twitter en classe n’est plus de ma seule pratique pédagogique. Trois enseignants ont développé en classe depuis plusieurs mois l’usage de Twitter comme outil de leur pédagogie: au lycée, au collège et à l’école élementaire. Nos publications et échanges sont à suivre sur Twitter via la balise #twittclasses . Par nos échanges, nos discussions nous sommes en lien pour faire progresser nos usages en classe. 

Attention! Cette liste d’enseignants utilisant Twitter dans leur pédagogie de classe n’a aucune prétention à l’exhaustivité !

 1. Amandine Terrier et sa classe de CM2

Compte Twitter @amandineter

Compte twitter de la classe : @crotenaycycle3

Le blog de l’expérience :  http://amandineter.free.fr

 A noter : l’aval de l’inspecteur de circonscription  « projet innovant » validé lors de l’envoi du projet de classe de découverte, il est désormais en ligne sur le site de l’IA39 : http://ienchampagnole.free.fr/spip.php?article136

A voir : l’émission Zappez+net 2. Emmanuel Gunther et sa classe de 3ème

Compte @twitter : @le_gugu

Compte Twitter de la classe : @Verlaine3i

Le journal de l’expérience en construction : https://docs.google.com/Doc?docid=0AfHUpWygsMDuZGdoODRrYl8yNjZqZ214ZmZz&hl=fr&authkey=CLaa0LgB

3. Jean Roch Masson et sa classe de CP

Compte twitter : @jyaire

Compte twitter de la classe: @classe_masson

Journal de l’expérience : http://jejoueenclasse.free.fr/elucubrations/

Précisions de Jean Roch : « A signaler que j’avais mis mon projet par écrit, lors de mon inspection assez tôt dans l’année, et l’inspecteur l’a relevé lors de l’entretien, en m’encourageant à tester ce projet, et en gardant toujours en mémoire la nécessité de faire produire l’élève et de le mettre en situation d’apprentissage »

A noter : une table ronde sur les réseaux sociaux dans l’éducation se tiendra ce mercredi à #Educatice (porte de Versailles/Paris) . J’y interviendrai pour parler de mes pratiques pédagogiques. Emmanuel Gunther, Jean Roch Masson, Amandine Terrier et Bertrand Formet seront présents dans l’assistance. Si vous avez des questions, n’hésitez pas !  http://www.educatec-educatice.com/animations_30_396_p.html

Twitter : exemple d’utilisation en classe

Utiliser Twitter dans un cours : exemple

S ituation: cours de français, Objet d’étude : l’autobiographique.

La finalité de cette séquence est l’écriture et la réalisation vidéo d’une production autobiographique.
L’élève doit écrire et se faire filmer à la manière de f. Delarozière, directeur artistique de la machine de Nantes selon cette vidéo :http://www.dailymotion.com/video/x5ul3r_interview-de-francois-delaroziere_creation

 Scénario/ Consignes : chaque élève est sur poste informatique, connecté à son compte Twitter. Il doit réaliser des recherches sur 3 mots clefs : Nantes, la Machine, F. Delarozière pour produire un texte de présentation.

 L’élève se sert de Twitter comme une prise de notes dans l’optique d’une mutualisation des savoirs. A chaque information trouvée, l’élève la tweete accompagnée si besoin d’un lien vers un site, une photo, une vidéo.

L’élève ne se sert pas de Twitter pour accumuler des informations mais bien pour les mutualiser. Il doit lire ce que les autres élèves ont tweeté, s’approprie le savoir et agrège ces savoirs. Il doit réguler ses tweets pour qu’ils soient lus. Ils interagissent sur les tweets émis en posant des questions, en réagissant, en régulant, en corrigeant si nécessaire.

Les élèves collaborent, mutualisent et travaillent dans le silence. Je suis leurs productions avec la balise définie en début de séance et j’interviens par écrit lorsque nécessaire de façon globale ou individualisée. compréhension et l’assimilation de la consigne.

Twitter est ici un outil du travail en classe : IL permet par des messages courts et rapides la collaboration, la mutualisation, une prise de notes active et rapide et un suivi de l’élève dans une dynamique de travail silencieux très productif.

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La classe ouverte: décloisonner mais garder l’enceinte

  Beaucoup de projets lors du forum mondial de l’innovation pédagogique ( #MSIEF) avaient en commun la notion de « classe ouverte » comme:

– Le travail primé de Martin Ryum and Mette Hauch (Denmark), “Teachers Leave Them Kids Alone » ,  celui de Jan Webbs (UK) « working in a classroom without walls  [ http://www.microsoft.com/presspass/press/2010/oct10/10-29MSIEFAwardWinnerPR.mspx  ] ou celui que je partage avec David Cordina « creating new learning spaces »

 Le développement des TICE, plus généralement d’Internet dans les salles de classe ont permis d’ouvrir des espaces jusqu’ici clos.

L’unique fenêtre sur le monde pour l’élève en classe était le livre. Ouverture à sens unique: le livre distribue du savoir mais ne permet aucune interactivité et parfois aucune reflexion de l’élève qui ne fait que recevoir.

Le Web et en particulier le Web 2.0 créent des espaces ouverts : l’enceinte de la classe n’est plus cloisonnée, les échanges sont possibles entre l’élève et de possibles intervenants extérieurs. Les interactions sont fortes, encouragées. L’interactivité enrichit celui qui la crée et la développe.

C’est ce que je constate dans les échanges engrangés entre mes élèves tweeteurs et les étudiants indiens de David Cordina à l’Alliance Française de Bombay.

La classe par ces échanges rompt avec cette appartenance physique cloisonnée.

La semaine dernière,  alors que les étudiants indiens fêtaient Diwali à Bombay, mes élèves via un échanges de tweets asynchrones (#indofr) découvraient cette fête des lumières, posaient des questions, imaginaient l’espace, devenaient visiteurs virtuels des rues illuminées, cherchaient des photos, creusaient l’origine d’une telle fête, demandaient leurs impressions aux étudiants indiens.

Le groupe-classe devient mobile, s’exporte, importe et ne se cantonne plus à un travail scolaire stricto sensu Il est curieux, sociable, acteur.

Les règles sociales, l’apport de connaissances par l’enseignant, par le livre, l’évaluation sont omniprésents. En ça, la classe ouverte ne détruit pas les fondamentaux de l’éducation. L’élève est en classe pour recevoir des connaissances, pour maîtriser des compétences que seuls des intervenants scientifiques peuvent lui apporter. Je ne crois pas à l’enseignement qui ne partirait que de l’élève pour revenir à lui. L’inciter à réfléchir, à innover doit être accompagné par l’enseignant. C’est ensemble que l’élève, le groupe-classe et l’enseignant construisent.

La classe ouverte décloisonne mais ne rompt pas l’enceinte structurante que l’école apporte à l’élève.

La porte est grande ouverte sur le monde, l’élève s’inscrit dans la mondialisation des savoirs et des échanges.

A associer :  le projet de David Cordina: créer une alliance française virtuelle de Bombay http://davidcordina.free.fr/?p=523

L’élève formateur Twitter : pourvoyeur de savoirs et de compétences

  Nous avons inauguré ces deux derniers jours le concept, au lycée, de journées citoyennes: deux jours banalisées sur le thème de la citoyenneté sous forme de projets. Libre était à chaque enseignant d’imaginer, organiser des animations avec et pour les élèves . Cette initiative a été lancée à l’origine par les enseignants de P.S.E (prévention santé environnement) qui avaient besoin de journées complètes pour former nos élèves au secourisme. Les projets ont pris des formes diverses: tables-rondes avec des professionnels, expositions, théatre forum, travaux d’embelissement du lycée, visionnage de films support de débats etc.

 J’ai banalisé deux matinées complètes avec mes élèves de Terminale Bac pro logistique(élèves de @derniereannee2) intitulées « les p’tits dejs Twitter » .

 L’objectif de ces matinées était de former ou de confirmer la formation des enseignants de l’équipe pédagogique de cette classe à Twitter. Objectif répondant à une demande réelle des enseignants.  Ce sont les élèves qui étaient en charge de cette formation et de ce tutorat.

Durant 3 heures chaque matin, les élèves ont tweeté et ont reçu dans la salle multimédia les enseignants désireux de créer un compte ou de perfectionner leurs usages. Je n’étais là qu’en accompagnante de ce tutorat et pour donner à l’enseignant formé la dimension pédagogique de cet outil.

Les élèves ont accompagné chaque enseignant dans la création de son compte, expliqué la notion d’identité numérique, fixé les règles d’usage posées dans la charte. « attention madame, on utilise twitter uniquement pour des communications sérieuses! Pas question de tweeter sur votre vie privée! ». Consigne donnée avec grand sérieux par une des élèves.

 Les enseignants ont été réceptifs  NE  recevant  pas là une formation anecdotique des élèves : il y a eu un vrai apport de compétences et de savoirs dans la découverte du micro-blogging et dans ses usages.  

Deux élèves ont eu aussi à former le nouveau proviseur adjoint qui a vu dans cet outil un fort intérêt et des perceptives de communication interne et externe au lycée.

 La valorisation des savoirs et des compétences des élèves a été forte: l’élève en est acteur et pourvoyeur. Son rôle était d’apporter un savoir et des compétences techniques à forte valeur pédagogique ajoutée.

 J’ai pu constater que l’éducation aux médias du net que je donne à mes élèves est acquise: le discours lors de ce tutorat et l’usage qu’ils font Twitter au quotidien valident les compétences et les savoirs enseignés. Validation par l’usage qui ne nécessite pas une validation par évaluation des compétences.

 (photos publiées avec autorisation)

Ouvrir l’espace, intégrer l’élève

L’usage de Twitter dans des pratiques pédagogiques crée et ouvre de nouveaux espaces virtuels comme je l’ai déjà expliqué dans le post précédent . Twitter permet de décloisonner l’élève dans ses apprentissages: il n’est plus uniquement l’élève dans son rapport à l’enseignant par la note. Il s’intègre dans un réseau classe, ne pose plus l’enseignant comme seul pourvoyeur de savoirs. L’élève échange, mutualise, collabore avec le groupe classe, avec l’équipe pédagogique et au delà, s’ouvre par d’autres collaborations. Preuve en est avec les échanges initiés avec David Cordina et ses élèves indiens de l’Alliance française de Bombay.

A cette ouverture sur un espace virtuel élargi grâce à l’usage de Twitter, nous avons pu nous enrichir de cette notion fondamentale de gestion de l’espace d’apprentissage: 
Lors du forum mondial de l’innovation pédagogique (à suivre avec la balise #MSIEF) la semaine dernière à Cape Town, où j’étais présente avec David Cordina pour la présentation de ce programme collaboratif via Twitter, nous avons été invités à visiter des écoles sud-africaines.

La première « Christel school » m’a permis d’appréhender encore plus cette notion d’espace et d’ouverture indispensable que l’école doit offrir à l’élève.

Cette école offre à des enfants des Townships environnant une scolarité. Environ 600 élèves de 6 ans (l’équivalent du CP français) à 18 ans (terminale) cohabitent dans cette école.

A priori, cette école et l’équipe dirigeante la présentant n’allaient pas me plaire : système privé subventionné par une riche donatrice (au portrait trônant dans l’escalier central), appel aux dons, discours formaté.

La visite organisée et conduite par les enseignants de l’école a changé mon a priori rapidement.

Nous sommes entrés dans beaucoup de salles de classe : en physique, en langue, en musique, en arts plastiques, éducation sociale, au CDI, sur le terrain de sport.

Ce qui est le plus impressionnant, c’est bien la construction réfléchie de l’espace scolaire : chaque salle a un très haut plafond sous charpente apparente. Elles sont toutes vitrées et offrent une vue sur « Table moutain », montagne forte en symbole surplombant la baie de Cap Town. Les élèves viennent tous des townships, des espaces cloisonnés, bas d’habitat sous tôle. Aucune perspective spatiale alliée à une absence de perspective sociale. La salle de classe ouverte sur un paysage grandiose et haute sous plafond place l’élève dans une autre perspective : celle qu’un avenir est possible.

L’école se partage entre élémentaire, collège et lycée mais quelque soit l’entrée donnée à notre circuit, nous n’y avons justement vu aucun cloisonnement. Dans ce pays où  l’Apartheid a tellement cloisonné et stigmatisé les populations, les espaces ouverts sont rares. Dans cette école, on passe d’un couloir à l’autre, d’une allée à l’autre et tous les groupes d’âge, sans se mélanger pour autant, se côtoient. Ici des adolescents jouant au cricket pendant leur temps de repos et sur la pelouse en face, des petits collégiens font des exercices en cours de sport. On entend le groupe de jazz de la classe de musique si on est assis à regarder les CP travailler.

C’est ici la vraie notion de « vivre ensemble » qui est développée. IL n’y a aucune invraisemblance utopique mais une vraie réflexion sociale et culturelle dans la démarche.

A cette première réflexion sur l’environnement spatial scolaire, s’ajoute une vraie réflexion sur l’accompagnement de l’élève. Chaque enseignant pour sa matière enseignée et pour chaque classe affiche dans sa salle un listing des élèves : listing présenté sous colonage. Face à chaque nom, un alignement de commettes à priori enfantin. Mais avec les explications de l’enseignant, on comprend aussitôt la logique : par ce système on évalue le comportement de l’élève en classe et surtout son évolution au fil des mois de sa scolarité : absentéisme, motivation, implication de l’élève sont affichés par couleur du noir au à l’étoile en or. L’élève suit l’évolution de son comportement en classe et chacun peut évaluer cette progression. Ici l’école n’évalue pas uniquement des savoirs mais intègre une dimension sociale au système éducatif. Quelle est la valeur d’un 18/20 si l’élève est régulièrement absent, peu intégré dans la classe ou perturbateur ?

L’implication de l’enseignant, par cette démarche, mais aussi dans ses approches pédagogiques nous ont beaucoup impressionnées : dans chaque cours, nous avons pu assister à un investissement prégnant de l’enseignant dans sa transmission de savoirs. Nous avons suivi une partie du cours d’une institutrice de CP qui appréhendait la lecture de mots, la découverte de sons et faisait épeler ces mots à ses élèves. Mimes, chant, expression corporelle : l’apprentissage de la lecture ne se fait pas stricto sensus assis derrière une table, figé sur une chaise. La lecture est vivante, l’enfant la vit pour se l’approprier.

A la présentation par le personnel de direction au début de notre visite, nous aurions pu croire que le parcours qui allait nous être présenté de l’école serait hyper formaté. Que nous ne verrions que le meilleur sous un angle d’approche très « médiatique ». Mais les élèves ne peuvent pas mentir longtemps : nous avons visité un espace calme mais pas silencieux, emprunt de quiétude mais pas inerte, avons croisé des élèves aux « gommettes rouges ». IL y avait surtout des élèves intégrés dans le système scolaire, intégré dans un espace ouvert, impliqué dans leurs apprentissages, acteurs de leur scolarité. L’école a pour vocation de les poser acteur de leur avenir dans une société où la population noire des townships est écrasée par 85% de chômage et 15% de sida.